Les arrestations de dirigeants se multiplient dans le pays et le président de la Surintendance nationale des cryptoactifs a été écroué. Les transactions avec la crypto petro sont paralysées, tandis que des fermes de minage sont stoppées.
L’univers des cryptomonnaies, traditionnellement très actives au Venezuela en raison de la forte inflation et du faible coût de l’électricité, est en pleine tempête, paralysée par une opération anti-corruption touchant le pétrole.
Le pouvoir de Nicolas Maduro a aussi beaucoup misé sur les cryptoactifs afin de contourner les sanctions américaines contre son pays. Il avait même lancé en 2018 une cryptomonnaie d’Etat, le petro, dont la valeur est en théorie adossée au pétrole.
Or, une opération anti-corruption ébranle le pays depuis le mois de mars avec plus d’une soixantaine d’arrestations de dirigeants de la compagnie pétrolière publique géante PDVSA, de responsables de la cryptomonnaie vénézuélienne petro, ainsi que des hauts fonctionnaires et élus. Considéré comme un des hommes-clés du pouvoir jusqu’à ce scandale, le ministre du pétrole, Tareck El Aissami, a démissionné le 20 mars.
Le régulateur des cryptos dans la tourmente
La Surintendance nationale des cryptoactifs (Sunacrip), l’organisme créé en 2018 dans la foulée du petro et censé réguler le secteur, est prise dans le tourbillon: son président Joselit Ramirez et le chef des opérations de « minage digital » Rajiv Mosqueda font partie des personnes écrouées. Aujourd’hui, son siège est fermé et les lettres en métal argenté inscrivant « Sunacrip » sur le bâtiment du centre de Caracas ont été retirées, a constaté un journaliste de l’AFP.
Les investisseurs en cryptoactifs font état d’ordres de fermeture de bureaux de change de cryptomonnaies et surtout de fermes de minage, ces locaux avec de multiples ordinateurs qui exécutent des opérations mathématiques certifiant la validité des transactions en cryptoactifs, obtenant ainsi des récompenses en cryptomonnaies. Les licences des fermes étaient délivrées par la Sunacrip même s’il existait, et existe toujours, des milliers de fermes non recensées.
« Ils sont en train de torpiller le minage. Trouvez ce que vous devez trouver (au niveau corruption) mais pourquoi tout fermer? », déclare à l’AFP Humberto Quintero, responsable de l’Association nationale privée des cryptomonnaies (Asonacrip) et de la plateforme CryptoLand, spécialisée dans les cryptomonnaies, appelant à plus de « transparence ».
« C’est comme si vous aviez un problème et votre solution est de prendre une mitraillette et tuer tout le monde? », s’insurge-t-il.
Les opérations en pétro bloquées
La situation s’est subitement tendue ces derniers jours avec la paralysie, pendant cinq jours sans explication des autorités, des opérations en petro.
« Soudainement et sans avertissement », la blockchain (réseau) du petro « a été paralysée, rendant les transactions impossibles », s’est alertée durant le week-end CryptoLand, avant de se féliciter de son rétablissement.
Une des conséquences a été la paralysie de nombreux comptes du système « Patria », plateforme digitale qui gère et distribue divers paiements, subventions ou prestations sociales. « Espérons », écrit CryptoLand, « que tous les services et les applications dérivées seront progressivement rétablis ».
L’utilisation des cryptomonnaies a fortement progressé avec la crise qui secoue le pays depuis 2013 car elles sont considérées comme un refuge contre l’inflation chronique et la dépréciation constante de la monnaie locale, le bolivar. Selon une étude présentée l’année dernière à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, 10,3% des Vénézuéliens possèdent des cryptomonnaies, contre 8,3% aux Etats-Unis et 5% au Royaume-Uni.
Faible coût de l’énergie
Le minage de cryptomonnaies telles que le bitcoin a proliféré au cours de la dernière décennie au Venezuela, stimulé par le faible coût de l’énergie, malgré les graves problèmes d’approvisionnement en électricité qui ont provoqué des pannes régulières dans de grandes parties du pays.
D’abord prohibé, le minage a été autorisé par le gouvernement, qui s’est tourné vers les cryptomonnaies, encourageant le développement de fermes gérées par l’Etat.
« Tous les gens qui ont essayé de légaliser leur statut (avec la Sunacrip) sont exposés », explique à l’AFP Luis (un nom fictif pour protéger son identité) qui a dû fermer deux de ses fermes de bitcoins où travaillaient quelque 500 machines. « Ceux qui minent sans être déclarés sont mieux lotis ». Selon lui, ses ordinateurs pourraient produire entre 15.000 et 20.000 dollars par mois.